#questionsduvendredi #freitagsfragen #33
#questionsduvendredi #freitagsfragen #33 avec / mit Susanne Stacher
Professeure à l’ENSA Versailles
HDR, Doctorat en architecture et aménagement
Chercheuse attachée au laboratoire de recherche LéaV
/
Professorin an der École Nationale Supérieure d’Architecture von Versailles
Habilitation im Fachbereich Architektur und Städtebau
Doktor der Philosophie
Leitmotiv /
« Le premier pas vers une ‹ architecture équitable › est le pas vers un monde plus juste. »
/
»Der erste Schritt zu einer ›fairen Architektur‹ ist der Schritt zu einer gerechteren Welt.«

Qu’est-ce que signifie fair,
équitable ou juste pour toi ?
Susanne Stacher / « ‹ Fair ›, traduit en français par le terme ‹ équitable ›, a un sens plus précis dans les langues latines, dérivé de ‹ aequitas ›, ‹ égal › ; selon le dictionnaire Larousse ‹ qui agit selon l’équité ; juste, impartial ›. À l’origine, la justice sociale est donc au premier plan de cette notion, qui est aujourd’hui souvent employée de manière plus large, englobant non seulement les relations humaines mais aussi leur rapport à la nature. Ainsi, ‹ fair › peut se référer à toute forme d’exploitation réclamant des conditions plus justes. Tout d’abord, à partir de la seconde moitié du XIXeme siècle, entre les industriels et les ouvriers, puis cette critique de la surexploitation (qui est aussi une critique du progrès) s’est étendue de l’homme à la nature.
Cette conception était déjà largement répandue dans le mouvement de réforme anglais de la fin du XIXeme siècle, qui s’opposait à la dynamique illimitée du processus d’industrialisation altérant drastiquement les villes et les campagnes. On la trouve aussi dans les écrits de Viollet-le-Duc, qui s’oppose à la surexploitation des montagnes par le tourisme (et plus particulièrement du massif du Mont-Blanc), et d’Élisée Reclus, qui songe à un nouveau rapport entre la ville et la campagne en adoptant une vision holistique – voir cosmique – du monde.
Selon la conception marxiste de Walter Benjamin, le travail, ‹ tel qu’on le conçoit à présent ›, ne devrait pas se résumer ‹ à l’exploitation de la nature, exploitation que l’on oppose avec une naïve satisfaction à celle du prolétariat › 1 , écrit-il dans ‹ Sur le concept d’histoire › (1940) en se référant à Josef Dietzgen, figure importante de la social-démocratie allemande, pour qui la nature ‹ est offerte gratis › et entièrement au service de l’Homme. Face à cette conception positiviste du monde, Benjamin défend plutôt l’idée de Joseph Fourier qui associait la question de la nature à l’idée d’un travail sociétal ayant du sens ; l’exploitation 2 de la nature devrait être subordonnée à l’intérêt collectif (et non pas spéculatif).
Cette conception, qui englobe à la fois la nature et un travail utile à l’ensemble de la société, a ses racines dans les divers mouvements de reformes et les théories marxistes, visant plus d’équité au sens le plus large.
Avec le processus de la décolonisation, à partir les années 1950/1960, la notion du ‹ fair › a commencé à prendre une dimension plus ample, thématisant le grand écart – en termes d’exploitation des richesses naturelles, de pollution, de santé, d’inégalité de chances, etc. – entre les Pays du Nord et ce que l’on appelle aujourd’hui le ‹ Sud global ›.
La nécessité de penser ‹ fair › ou ‹ équitable › dans cette double dimension, à la fois humaine et environnementale, s’impose avec d’autant plus d’acuité que l’impact de la colonisation sur les habitants et leur environnement naturel a causé – au nom du ‹ progrès › – des conséquences néfastes à long terme qui ne sont plus réparables. »
/
»›Fair‹, im Französischen mit ›équitable‹ übersetzt, hat in den lateinischen Sprachen eine präzisere Bedeutung, die von ›aequitas‹ (lat.), ›gleich‹, abgeleitet ist; laut dem Larousse-Wörterbuch ›qui agit selon l‘équité; juste, impartial‹ (der nach Billigkeit handelt; gerecht, unparteiisch). Ursprünglich stand also die soziale Gerechtigkeit im Vordergrund dieses Begriffs, der heute oft breiter verwendet wird und nicht nur die menschlichen Beziehungen, sondern auch ihr Verhältnis zur Natur miteinschließt. So kann sich ›fair‹ auf jede Form der Ausbeutung beziehen, die nach gerechteren Bedingungen verlangt; zuerst, ab der zweiten Hälfte des 19. Jahrhunderts, zwischen Industriellen und Arbeitern, dann wurde diese Kritik an der Überausbeutung (die auch eine Kritik am Fortschritt ist) vom Menschen auf die Natur ausgeweitet.
Diese Auffassung war bereits in der englischen Lebensreformbewegung des späten 19. Jahrhunderts weit verbreitet; diese stellte sich gegen die unbegrenzte Dynamik des Industrialisierungsprozesses, der drastische Auswirkungen auf die Städte und die ländlichen Gebiete hatte. Sie findet sich auch in den Schriften von Viollet-le-Duc, der sich gegen die Abnutzung der Berge durch den Tourismus (insbesondere des Mont-Blanc-Massivs) wandte, und von Élisée Reclus, der über eine neue Beziehung zwischen Stadt und Land nachdachte, indem er eine ganzheitliche – oder sogar kosmische – Sicht der Welt vertrat.
Gemäß Walter Benjamins marxistischen Auffassung sollte die ›Arbeit, wie sie nunmehr verstanden wird‹, nicht ›auf die Ausbeutung der Natur‹ hinauslaufen, ›welche man mit naiver Genugtuung der Ausbeutung des Proletariats gegenüber stellt‹, schreibt er in ›Über den Begriff der Geschichte‹ (1940) 3 , und bezieht sich dabei auf Josef Dietzgen, einen wichtigen Akteur der deutschen Sozialdemokratie, für den die Natur ›gratis da ist‹ 4 und ganz im Dienst des Menschen steht. Entgegen dieser positivistischen Weltanschauung folgte Benjamin eher dem Ansatz von Joseph Fourier, der die Frage der Natur mit der Idee einer sinnvollen gesellschaftlichen Arbeit verband 5 ; die Ausbeutung der Natur sollte den kollektiven (und nicht dem spekulativen) Interessen untergeordnet werden. Diese Vorstellung, die sowohl die Natur als auch eine für die Gesellschaft als Ganzes sinnvolle Arbeit umfasst, war bereits in der englischen Reformbewegung des späten 19. Jahrhunderts weit verbreitet; diese stellte sich gegen die unbegrenzte Dynamik des Industrialisierungsprozesses, der drastische Auswirkungen auf die Städte und die ländlichen Gebiete hatte.
Diese Auffassung, die sowohl die Natur als auch eine für die gesamte Gesellschaft nützliche Arbeit umfasst, hat ihre Wurzeln in den verschiedenen Reformbewegungen und marxistischen Theorien, die auf mehr Gerechtigkeit im weitesten Sinne abzielten.
Mit dem Prozess der Entkolonialisierung ab den 1950er und 1960er Jahren begann der Begriff ›fair‹ eine breitere Dimension anzunehmen und thematisierte die große Kluft – in Bezug auf die Ausbeutung der natürlichen Reichtümer, Umweltverschmutzung, Gesundheit, Chancenungleichheit usw. – zwischen den Ländern des Nordens und denen des Südens. – zwischen den Ländern des Nordens und dem, was heute als ›globaler Süden‹ bezeichnet wird.
Die Notwendigkeit, ›fair‹ (oder gerecht) in dieser doppelten Dimension – sowohl menschlich als auch ökologisch – zu denken, ist umso dringender, als die Auswirkungen der Kolonialisierung auf die Bewohner und ihre natürliche Umgebung – im Namen des ›Fortschritts‹ – langfristig schädliche Folgen verursacht haben, die nicht mehr behoben werden können.«
/
1
– Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire » (1940), in : Œuvres III, trad. Maurice de Gandillac, revu par Pierre Rusch, Gallimard, coll. Folio Essais, Paris, 2000, (427–444), chap. XI., p. 436–437.
2
– Ibid. : ‹ Si le travail social était bien ordonné, selon Fourier, on verrait quatre Lunes éclairer la nuit terrestre, les glaces se retirer des pôles, l’eau de mer s’adoucir, les bêtes fauves se mettre au service de l’homme. Tout cela illustre une forme de travail qui, loin d’exploiter la nature, est en mesure de l’accoucher des créations virtuelles qui sommeillent en son sein. »
3
– Walter Benjamin, Über den Begriff der Geschichte (1940), in: Gesammelte Schriften, Bd. I.2, hg. von Rolf Tiedemann und Hermann Schweppenhäuser, Frankfurt a. M. 1980, Kap. XI, 699.
4
– Ebd.: »Zu dem korrumpierten Begriff von Arbeit gehört als sein Komplement die Natur, welche, wie Dietzgen sich ausgedrückt hat, ›gratis da ist‹.«(Hervorh. im Original)
5
– Ebd.: »Nach Fourier sollte die wohlbeschaffene gesellschaftliche Arbeit zur Folge haben, daß vier Monde die irdische Nacht erleuchteten, daß das Eis sich von den Polen zurückziehen, daß das Meerwasser nicht mehr salzig schmecke und die Raubtiere in den Dienst des Menschen träten. Das alles illustriert eine Arbeit, die, weit entfernt die Natur auszubeuten, von den Schöpfungen sie zu entbinden imstande ist, die als mögliche in ihrem Schoße schlummern.«
Qu’est-ce qui caractérise pour toi une architecture équitable ?
Susanne Stacher / « L’architecture et les infrastructures qui l’accompagnent jouent un certain rôle dans cette dynamique d’exploitation, dont les usines et les sièges sociaux qui se multiplient de manière accélérée dans l’ensemble du ‹ Sud global › sont à la fois la force motrice et le fier symbole.
Quelle pourrait donc être une ‹ architecture équitable › (ou ‹ fair ›), si l’on considère à la fois l’exploitation de l’homme – en plus encore des femmes – et celle de la nature ? Une architecture qui ne servirait pas à confirmer ou à renforcer la dynamique de la ‹ destruction créatrice › qui régit le monde (notion théorisée dans les années 1930 par Joseph Schumpeter comme dynamique nécessaire à un perpétuel renouvellement économique), mais une architecture au service des habitants, pour améliorer leurs conditions de vie.
Le premier pas vers une ‹ architecture équitable › est donc le pas vers un monde plus juste. »
/
»Architektur und die dazugehörige Infrastruktur spielen in dieser Ausbeutungsdynamik eine gewisse Rolle, wobei die im gesamten ›globalen Süden‹ immer schneller entstehenden Fabriken und Firmensitze sowohl die treibende Kraft als auch das stolze Symbol dafür sind.
Wie könnte also eine ›faire Architektur‹ aussehen, wenn man sowohl die Ausbeutung des Menschen – und noch mehr der Frauen – als auch die Ausbeutung der Natur in Betracht zieht? Eine Architektur, die nicht dazu dient, die Dynamik der ›schöpferischen Zerstörung‹, die die Welt beherrscht, zu bestätigen oder zu verstärken (ein Begriff, der in den 1930er Jahren von Joseph Schumpeter als notwendige Dynamik für eine ständige wirtschaftliche Erneuerung theoretisiert wurde), sondern eine Architektur, die im Dienste der Bewohner steht, um deren Lebensbedingungen zu verbessern.
Der erste Schritt zu einer ›fairen Architektur‹ ist also der Schritt zu einer gerechteren Welt.«
Comment se conçoit, pour toi, une communication équitable ?
Susanne Stacher / « Une communication ›fair‹ est celle qui questionne ce qui pourrait signifier ‹ équitable › dans toute son ampleur sociétale et environnementale, qui ose à esquisser les possibles confins d’un monde plus juste. ‹ Communiquer ›, après tout, ne signifie rien d’autre que diffuser des idées, et ce de manière la plus large possible si l’on veut qu’elle soit équitable. Ce qui compte, c’est tout d’abord le contenu, puis la manière dont le contenu est partagé et diffusé, non pas comme un dogme statique, mais comme une plate-forme aussi ouverte que possible pour enrichir les idées sous une forme dynamique. Je salue cette initiative comme l’une des mesures possibles pour ouvrir le débat sur ce qu’est un monde plus juste. »
/
»Eine ›faire‹ Kommunikation ist eine, die hinterfragt, was ›fair‹ in seiner ganzen gesellschaftlichen und ökologischen Tragweite bedeuten könnte, die es wagt, die möglichen Ränder einer gerechteren Welt zu skizzieren. ›Kommunizieren‹ bedeutet schließlich nichts anderes, als Ideen zu verbreiten, und zwar auf die umfassendste Art und Weise, wenn sie fair sein soll. Was zählt, ist zunächst der Inhalt, und dann die Art und Weise, wie der Inhalt verbreitet wird – aber nicht als statisches Dogma, sondern als eine möglichst offene Plattform um Ideen in dynamischer Form zu bereichern. Ich begrüße diese Initiative als einen der möglichen Schritte, die Debatte darüber zu eröffnen, was eine gerechtere Welt ist.«