#questionsduvendredi #freitagsfragen #32
#questionsduvendredi #freitagsfragen #32 avec / mit Philippe Simay
Enseignant de philosophie à l’École d’architecture de Paris-Belleville
et cofondateur de la revue Metropolitiques.eu
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Dozent für Philosophie an der École d’architecture de Paris-Belleville
und Mitbegründer der Zeitschrift Metropolitiques.eu.

Qu’est-ce que signifie fair, équitable ou juste pour toi ?
Philippe Simay / « Il est difficile de dire ce qui est juste en soi, indépendamment d’un contexte particulier. Plus que le juste ou l’injuste, je parlerais de justesse ou d’ajustement. Quels ajustements devons-nous faire pour être à la hauteur de la situation ? J’ai souvent en tête ces mots d’Hamlet qu‘Hannah Arendt cite dans La crise de la culture : ‹ Le temps est hors des gonds. Maudit malheur que je sois né pour le remettre à l’heure. › A chaque génération nous tentons de remettre le monde à sa place, sans avoir pour autant de mode d’emploi. Celles et ceux qui se revendiquent du juste prennent souvent le risque de s’égarer dans des attitudes verrouillées, autoritaires ou aveugles à la complexité des situations. Chercher la justesse est un travail plus modeste et laborieux, sans cesse à redéfinir. »
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»Es ist schwierig zu sagen, was an sich fair ist, unabhängig von einem bestimmten Kontext. Mehr als vom Fairen oder vom Unfairen würde ich von Angemessenheit oder von Justierung sprechen. Welche Justierungen müssen wir vornehmen, um der Situation gerecht zu werden? Ich habe oft die Worte Hamlets im Kopf, die Hannah Arendt in Die Krise der Kultur zitiert: ›Die Zeit ist aus den Fugen. Wehe mir, dass ich geboren ward sie wieder einzurenken.‹ In jeder Generation versuchen wir, die Welt in ihre Schranken zu weisen, ohne jedoch eine Gebrauchsanleitung zu haben. Diejenigen, die das Faire für sich in Anspruch nehmen, gehen oft das Risiko ein, sich in Haltungen zu verirren, die verriegelt, autoritär oder für die Komplexität der Situationen blind sind. Die Suche nach dem Richtigen ist eine bescheidenere und mühsamere Arbeit, die immer wieder neu definiert werden muss.«
Qu’est-ce qui caractérise pour toi une architecture équitable ?
PS / « Une architecture équitable c’est d’abord une certaine façon de travailler qui vise à réduire les inégalités au sein du monde de la construction. Les architectes sont depuis trop longtemps coupés du monde ouvrier, sans lequel le bâti ne s’édifierait pas. Il faut aborder de façon ouverte la question de la rémunération mais aussi celle de la pénibilité du travail. Tant que l’architecte ne participe pas à l’ouvrage d’un chantier, il n’a aucune idée de ce que coute le travail physique, de ce que les charges font aux corps. Les chantiers du bâtiment sont aujourd’hui le lieu de multiples formes de domination et de violences systémiques. A quoi bon l’architecture la plus écologique si elle se fait au mépris de celles et ceux qui construisent les bâtiments ? Dès que des hommes et des femmes réunissent leur puissance d’agir, c’est un espace politique qui s’ouvre. Reste à savoir comment on veut l’investir. Considérons plutôt le chantier comme un espace d’apprentissage, de partage, d’élévation commune. »
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»Faire Architektur ist in erster Linie eine bestimmte Art zu arbeiten, die darauf abzielt, die Ungleichheiten innerhalb der Baubranche zu verringern. Die Architekt:innen sind schon viel zu lange von der Arbeiterschaft abgeschnitten, ohne die die Gebäude nicht errichtet würden. Die Frage der Bezahlung, aber auch die Frage der Schwere der Arbeit muss offen angegangen werden. Solange der Architekt, die Architektin nicht an der Arbeit auf einer Baustelle beteiligt ist, hat er oder sie keine Ahnung, wie viel körperliche Arbeit kostet, was die Lasten mit dem Körper machen. Die Baustellen des Baugewerbes sind heute Schauplätze vielfältiger Formen von Dominanz und systemischer Gewalt. Was nützt die umweltfreundlichste Architektur, wenn sie unter Missachtung derjenigen erfolgt, die die Gebäude errichten? Sobald Männer und Frauen ihre Handlungskraft vereinen, öffnet sich ein politischer Raum. Die Frage ist nur, wie wir ihn besetzen wollen. Betrachten wir die Baustelle vielmehr als einen Raum des Lernens, des Teilens und des gemeinsamen Erhebens.«
Qu’est-ce qu’une communication architecturale équitable pour toi ?
PS / « La communication équitable serait celle où toutes celles et ceux qui participent à la vie d’un bâtiment (de la conception à la construction, de l’usage à l’entretien) seraient habilités à en parler. Pourquoi les architectes auraient-ils le monopole du discours sur l’architecture ? On s’étonne après que ça n’intéresse personne… Il n’en est pourtant pas de même pour de nombreux autres domaines, comme l’alimentation ou la santé, qui requiert pourtant un certain degré d’expertise. Chacun perçoit rapidement les enjeux citoyens qui leur sont liés. Tant que l’on ne restituera pas à l’architecture sa dimension politique, peu de personnes s’y intéresseront. »
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»Faire Kommunikation wäre, wenn alle, die am Leben eines Gebäudes beteiligt sind (von der Planung bis zum Bau, von der Nutzung bis zur Instandhaltung), berechtigt wären, darüber zu sprechen. Warum sollten die Architekt:innen ein Monopol auf den Diskurs über Architektur haben? Später wundert man sich, dass sich niemand dafür interessiert… Dies gilt jedoch nicht für viele andere Bereiche, wie z. B. Ernährung oder Gesundheit, die dennoch ein gewisses Maß an Fachwissen erfordern. Jeder erkennt schnell die damit verbundenen Herausforderungen für die Bürger. Solange man der Architektur nicht ihre politische Dimension zurückgibt, werden sich nur wenige Menschen dafür interessieren.«
Comment se conçoit, pour toi, une communication équitable ?
PS / « Communiquer n’est pas qu’une affaire de mots. C’est avant tout garantir un espace où chacun peut exister et s’exprimer de façon non-oppressive. Et c’est à l’architecture qu’incombe la tâche d’ouvrir cet espace et de le garantir dans le temps afin que chacun d’entre nous puissions y trouver notre place. »
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»Kommunizieren ist nicht nur eine Sache von Worten. Es bedeutet vor allem, einen Raum zu garantieren, in dem jeder existieren und sich auf nicht-oppressive Weise ausdrücken kann. Und es ist die Aufgabe der Architektur, diesen Raum zu öffnen und dauerhaft zu sichern, damit jeder von uns seinen Platz darin finden kann.«